Depuis 1995, je passe toujours la Saint-Valentin à Paris. Je venais d'abord de Nice, puis
de Saint-Pétersbourg, et maintenant de moins loin, du Mans (seulement 54 minutes en TGV). Mon Valentin a changé, mais l'émerveillement devant Paris est le même. Trois jours pour profiter cette
fois. D'abord, un petit tour à la Pinacothèque pour les tableaux de l'Ermitage. Je savais qu'il n'y
avait aucun chef-d'oeuvre et que je serais déçue, mais je ne pouvais pas ne pas y aller. Une visite plus imprévue au Musée des lettres et des manuscrits, parce que c'est boulevard Saint-Germain, à deux pas de ma niche.
Une belle expo y est consacrée à Romain Gary (1914-1980), à travers 160 documents.
Quelques citations de Gary qui m'ont touchée à cette expo...
A la question:
"Vous écrivez depuis longtemps ? [...] En quelle langue ?"
Romain Gary répondait:
"Vous connaissez l'histoire du caméléon?
On le met sur un tapis bleu, il devient bleu;
on le met sur un tapis jaune, il devient jaune;
sur un tapis rouge, il devient rouge;
on le met sur un tapis écossais, il devient fou.
Moi, je ne suis pas devenu fou,
je suis devenu écrivain.
Ma première couleur a été la Russie puis,
après la Révolution, ce fut la Pologne
où je suis resté six ans.
Puis ce fut le midi de la France, le lycée de Nice,
l'aviation, dix ans d'Ajaccio, quinze ans de diplomatie,
dix ans d'Amérique, bilingue français-anglais,
correspondant de journaux...
Voilà. Je suis le caméléon qui n'a pas explosé."
(entretien avec Caroline Monney, 1978)
"[...] je suis niçois [...] Parce que j'ai été élevé à Nice, que mes premières amitiés se sont formées à Nice, que les premières filles que j'ai aimées étaient à Nice, et que je me sens [...]
toujours bien à la Méditerranée."
"Je n'ai pas une goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines."
"On a envie de changer le monde pour enfin l'envoyer se faire foutre."
Dans les collections permanentes du Musée des lettres et manuscrits, la Russie
est aussi présente.
Lettre du grand-duc Vladimir Alexandrovitch (le frère d'Alexandre III) à Gustave Eiffel
(mai 1890). De nombreuses personnalités assistent à l'ouverture de l'Exposition universelle, en mars 1889, dont Vladimir Alexandrovitch, admiratif: "Ma visite à l'Exposition l'an dernier
m'a laissé une profonde impression: la Tour est restée gravée dans ma mémoire comme un des résultats les plus surprenants du savoir humain."
Lettre de Tchaïkovski (une grande vitrine lui est consacrée), datée de 1881. En 1877, malgré les rumeurs sur son
homosexualité (ou pour les faire taire), il épouse Antonina Milioukova. Ce mariage est un échec, mais Antonina refuse de divorcer et le harcèle. Eprouvé par ces événements, il séjourne souvent
chez sa soeur à Kamenka (Ukraine), et peine à travailler: "Vous avez raison, pendant cette période de manque d'intérêt pour la composition, je devrais voir le positif, c'est une
opportunité de me reposer. Heureusement, l'envie de composer reviendra." confie-t-il à son correspondant.
On peut voir aussi des lettres signées Catherine II ou Staline,
une vitrine consacrée aux Ballets russes, et toutes les autres collections (passionnantes) classées par thèmes:
l'histoire, les arts, les sciences, la musique...
Bon, je veux devenir parisienne (c'est pas nouveau). Дело осталось за малым... Il reste à convaincre mon homme qui a quitté
Paris il y a quelques années et qui ne veut plus en entendre parler !